La poésie persane :
L’iranien est créatif.
L’iranien possède un sens artistique aigu.
L’iranien est un esthète doublé d’un épicurien.
Il est gai, rieur, blagueur, aimant par-dessus tout se moquer, de lui, des autres et bien évidemment du pouvoir et de l’autorité. Il excelle dans l’art du pamphlet satirique.
Mais surtout, ce qui accompagne l’iranien tout au long de sa vie, ce qui dirige ses pas, ce qui le console, l’encourage, le berce, c’est la poésie.
Mehdi Akhavan Sales, immense poète iranien moderne, a écrit un jour le verset suivant :
« Notre vie est poésie, légende et mythe ».
Et bien que la vie iranienne ne se résume pas qu’à ça, la poésie, les mythes, les légendes, le mysticisme et la religion sont une part importante de la vie quotidienne. L'opinion iranienne est davantage liée à l’émotion qu’à la raison.
Un Iranien sera plus aisément convaincu de la véracité d'une déclaration si elle s’appuie sur une anecdote, un verset approprié ou toute autre construction, même irrationnelle que par un argument logique ou une preuve empirique.
Voilà donc le socle de la société et des cultures iraniennes. La poésie persane peut raconter l'histoire de l'une des civilisations les plus fascinantes de l'humanité, l'histoire d'une terre et d'un peuple. Laissons-nous entrainer dans cette belle histoire !
Expliquer la poésie persane, c’est décrire les saveurs de la bonne cuisine, c’est raconter le plaisir de la musique ou les douces odeurs d'un jardin à la fin du printemps.
Qui le peut ?
Le son, la mélodie de la langue persane sont sublimes et mélodieux. L'intensité accrue du rythme, de l'assonance, de la rime, de l'imagerie de la poésie persane sont une forme d'art, séduisante, parfois envoûtante.
La lecture d’un poème atteint l’auditeur dans son émotion avant son intellect. Il est pénétré par la musique des mots avant les mots eux-mêmes
Cette harmonie des mots touche le cœur avant d’atteindre l’oreille.
La poésie persane a cette complexité qui la rend à la fois agréable à un premier degré mais aussi subtile et profonde quand elle vous pénètre, et, même si la comparaison est grossière, comme la délicatesse d’un prélude de Bach et l’écoute d’une chanson folklorique. On appelle parfois cette duplicité « sahl o montane ».
Il existe quelque soixante-dix variétés de mètres dans la poésie persane traditionnelle, avec un degré de flexibilité qui permet d'éviter les contorsions forcées de la langue ; de même la richesse des rimes disponibles permet de longs poèmes avec parfois jusqu'à la moitié du deuxième hémistiche rimant avec une apparente facilité.
Cette facilité n’est qu’apparente lorsque par exemple chaque vers est composé de deux moitiés équilibrées, de mètre correspondant et de thème parallèle ; les deux moitiés du premier vers riment entre elles et la fin de tous les autres vers rime avec le premier.
L'usage de l'imagerie, de la flatterie, de l’allusion permet un style parfois volontairement ironique ou ambigu, ou qui peut, entre les mains de plus grands maîtres comme Hafez ou Bidel, conduire à des fusions extraordinaires de sons et de sens.
L'art de la poésie est profondément ancré dans la culture persane, de sorte qu'il fait partie de la conversation quotidienne, de l'enseignement, de la sociabilité, de l'hospitalité… et c'est la chaleur humaine, la générosité et la bienveillance qui caractérisent les contextes dans lesquels la poésie persane est partagée, qui font également partie de son attrait - l'« extérieur » pendant quelques instants est autorisé à se sentir un « intérieur ».
Il pourrait bien sûr en être de même, et à un niveau beaucoup plus sérieux, de la connaissance des textes sacrés de l’Islam, du Coran ou des Hadiths, dont les références culturelles et spirituelles ne sont pas contestées.
On trouve souvent une résonance entre le sacré et la poésie, considérée comme la plus haute manifestation de la culture, à l’image de ces décorations monumentales, ornements ou citations que l’on aperçoit sur des objets divers, des immeubles.
L'alternance des modes sceptiques et mystiques de cette tradition poétique, la richesse de l'imagerie, la subtilité du rythme, les ambiguïtés de l'allusion, les niveaux d'interpénétration de l'érotisme ou du bacchiaque avec le contenu politique et spirituel, les moments d’humour satirique ou grivois, l'espoir de la grâce et de la miséricorde, tout un monde est là pour la découverte - et nous souhaitons à chaque lecteur un voyage fructueux, heureux et agréable à travers les poèmes persans.
À l’extrême, certains des poèmes peuvent être considérés comme métaphysiques, dans un sens similaire à, par exemple, John Donne et Henry Vaughan. Chez d'autres, ils sont moins exaltés. Finalement, tout ce dont nous pouvons être certains, c'est de notre vie et de notre amour dans ce monde.
La suite, hormis sa propre mort, sans retour, nul ne la connait.
Nasser Khosrow a écrit ce court poème :
"Les inconforts et les épreuves dans ce monde sont de longue haleine
Pourtant, l'agonie et la joie cesseront certainement un jour.
Seule la roue éternelle tourne et suit son cours jour et nuit
Sur elle nous voyageons d’un avant à un après
Derrière chacun vient le suivant.
Jusqu’à ce que son voyage après la mort, commence »